Depuis le début du confinement les enseignants et spécialistes de l'éducation s'inquiètent des effets de cette situation inédite sur les enfants les plus fragiles et craignent, à juste titre, que les injonctions à la continuité pédagogique ne se traduisent dans les faits par un accroissement des inégalités scolaires. Les familles les plus précaires, notamment celles des quartiers politiques de la ville, sont moins dotées en équipement informatique, présentent des niveaux d'instruction souvent très faibles, maîtrisent peu voire pas du tout l'écrit, et sont dès lors beaucoup moins en mesure de comprendre les consignes données par les enseignants et de superviser le travail de leurs enfants, lesquels, pour une large part, présentent par ailleurs d'importantes difficultés sur le plan des apprentissages.

Suivi scolaire personnalisé, interactif et quotidien, via WhatsApp

A La Courneuve où 40% des enfants quittent le système scolaire sans qualification* , l'association COPARENF a mis en place un service de suivi pour une quinzaine d'enfants (de 7 à 11 ans) et leur famille. La référente parentalité de l'association (fondatrice du site GYNGER et de l'association PAPOTO -Parentalité pour tous-) et une bénévole, ancienne institutrice au Cameroun, font le lien entre les enseignants et les enfants. Elles reçoivent par mail les devoirs préparés par l'équipe pédagogique de l'école et les basculent sur WhatsApp avec des messages vocaux d'explication. Puis, toute la journée, elles échangent en appel caméra avec les enfants. Elles explicitent les consignes (qui ne sont en général pas comprises du premier coup), rappellent les règles relatives aux exercices donnés, corrigent avec les enfants.

Depuis le début du confinement, ces derniers attendent tous les jours avec impatience le moment où ils seront appelés. Chaque soir ils savent ce qu'ils ont à faire le lendemain matin. Lorsqu'ils ne comprennent pas un exercice, ils laissent un message vocal sur WhatsApp et les deux référentes leur répondent. Des enfants en grandes difficultés, jusque là très difficiles à mobiliser en classe (d'après leurs enseignants), se montrent motivés, effectuent le travail demandé, le photographie et l'envoie à leur référente. Les parents ne paniquent plus en recevant des messages des enseignants auxquels ils ne comprennent rien et sont rassurés de voir leur enfant travailler. Certains adultes, qui n'avaient jamais vraiment ouvert les cahiers, restent assis à côté de l'enfant pendant la séance de lecture. Et se familiarisent en même temps avec le décodage. Ce que nous vivons actuellement avec cette expérience nous prouve qu'en cette période de confinement, le décrochage des élèves fragiles n'est absolument pas une fatalité.

Pendant le confinement, mobiliser les familles pour des interactions de qualité

L'association, très mobilisée depuis plusieurs années sur le soutien à la parentalité des familles vulnérables, anime depuis le début du confinement un autre groupe WhatsApp où les mêmes parents et enfants (rejoints par des parents d'enfants plus jeunes) échangent et partagent des idées d'activités. Les familles se filment pendant la préparation d'un gâteau ou inventent une chorégraphie, des papas réalisent des parcours motricité dans leur appartement, la référente parentalité propose des histoires de la littérature enfantine lues sur Youtube, des charades, rébus, recettes pour fabriquer de la pâte à modeler... Des familles fragiles, peu habituées à jouer avec leurs enfants ou à nouer des interactions de qualité, sont ainsi portées par les autres mamans plus actives (deux d'entre elles feraient de parfaites éducatrices de jeunes enfants) et sont amenées elles aussi à se lancer dans un atelier peinture ou un jeu de chaises musicales. Toutes s'y mettent, même les plus « résistantes ».

Au-delà du suivi scolaire des enfants, il s'agit pour COPARENF de rendre le huis-clos familial plus supportable pour ces foyers où le risque de maltraitances (carences comme violences) est élevé, d'occuper les enfants, de soutenir et motiver les parents, de permettre aux adultes d'échanger avec d'autres familles, d'apprendre par les pairs ou de demander conseil, de briser l'isolement.

Par la force des choses, nous sommes en train de construire de nouvelles modalités de soutien des familles les plus vulnérables et les plus éloignées de l'école.

Si d'autres adultes aguerris se manifestaient pour nous prêter main forte nous pourrions soutenir davantage d'enfants sur le plan scolaire pendant toute la durée du confinement. Et en attendant un hypothétique soutien, nous pouvons de toute façon accueillir les parents de jeunes enfants sur notre groupe whatsApp pour partager avec eux toutes nos idées d'activité, nos encouragements, nos fous-rires. N'hésitez pas à nous transmettre des coordonnées de famille isolées qui auraient besoin d'un soutien ou à leur transmettre les nôtres (ci-dessous).

Bon courage à tous !

Gaëlle Guernalec Levy, référente parentalité pour COPARENF
Fondatrice du site GYNGER.fr, fondatrice de l'association PAPOTO (Parentalité pour tous)
06 82 01 38 73
gaelle.guernalec@gynger.fr

Prisque Nkuni, Présidente de COPARENF
06 95 31 95 58
coparenf@yahoo.com

Rita Mbida, bénévole

*chiffre avancé par un ancien médecin de PMI lors d'un récent comité de prévention des maltraitances organisé par les services ASE de la ville.