Samedi 13 février 2016 – La Courneuve

L’association Coparenf (Collectif de parents et d’enfants contre le décrochage scolaire) a convié Justine Fesneau et Émelyne Lestang de l’association Parents Professeurs Ensemble, domiciliée à Montrouge (Hauts-de-Seine), autour d’une table ronde avec des parents d’élèves.

Réunion Parents Professeurs Ensemble« Notre objectif est de faire remonter les avis des parents auprès des décideurs politiques afin d’améliorer les choses ; on se rend compte que les parents ont ce souhait de s’exprimer, d’où la création de notre plateforme », déclare d’emblée Justine Fesneau (à gauche sur la photo ci-contre). Avant de préciser que leur « association est une initiative aconfessionnelle, indépendante des partis et des syndicats ».

Le site internet de Parents Professeurs Ensemble précise les objectifs de ses initiateurs : « transmettre aux décideurs les propositions jugées prioritaires par le terrain, c’est-à-dire celles qui auront collecté le plus de votes des internautes sur notre site pour que les futures réformes en soient issues. Les décideurs, en plaçant les acteurs éducatifs au coeur de la décision, en font des alliés naturels pour la mise en place des projets pour améliorer le système scolaire. »

Quelle est l’étape suivante de cette toute jeune association ? L’organisation de tables rondes au cours de l’année 2016. « La prochaine rencontre se déroulera à Mantes-la-Jolie (Yvelines) et le thème sera : Ensemble parents-enfants, comment lutter contre le décrochage scolaire ? », prévient Émelyne, chargée d’organiser les tables rondes au sein de son association.

Prisque Nkuni, vice-présidente de Coparenf, constate qu’« aujourd’hui, on accorde plus d’importance aux discours et aux chiffres sur l’Éducation nationale qu’aux réalités sur le terrain et à leur prise en compte ». Myriam, représentante de parents d’élèves, déplore que les professionnels de l’Éducation nationale ne prennent « pas assez en compte les choix d’orientation des collégiens, notamment au moment de trouver un stage professionnel en troisième ». « On a l’impression que l’Éducation nationale impose certains choix d’orientation à l’enfant », regrette également Laurence, parent d’élève. Elle constate que « des élèves sont déjà décrocheurs en primaire car on n’a pas assez détecté les problèmes en amont ». Laurence dénonce les insuffisances du système scolaire : « Un médecin scolaire que l’on voit tous les dix ans, ce n’est pas possible. […] Pourquoi, dans certaines écoles, les 2

RASED [Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, NDLR] ont-ils disparu ? On trouve beaucoup de documentation sur le site internet de l’Éducation nationale, mais ce n’est pas mis en pratique sur le terrain […]. »

Rabia, une autre maman d’élève, reproche par ailleurs « le manque d’encouragement de la part des professeurs, voire même du conseiller d’orientation, au moment des choix d’orientation des enfants ». Certains parents présents à la table ronde (photo ci-dessous) se disent parfois désarmés face à une institution scolaire qui ne donne pas assez la parole aux enfants. Les parents ressentent le besoin d’être aidés pour l’orientation de leurs enfants qui, souvent, « ne savent pas quoi faire ».

« Nous venons d’écouter des témoignages de mamans qui racontent l’impossibilité de communiquer avec les professeurs, résume Prisque. Elle poursuit : « Il faut qu’on arrive à travailler ensemble à régler cette incapacité pour certains parents de communiquer avec les professeurs de l’école […] On a envie de faire tomber cette barrière et créer une relation de confiance entre le parent, l’enfant et l’enseignant. » La tâche s’annonce rude… Fidèle à ses idées, Prisque insiste sur l’importance de la valorisation de l’enfant : « Il faut qu’on apprenne à valoriser un individu, qui est un être, un enfant. C’est en le valorisant qu’on lui donnera confiance en l’avenir. » Elle énumère ensuite certaines causes du décrochage scolaire : « Le trouble du comportement de certains élèves dépend parfois du milieu social d’où il vient, avance-t-elle. Sociologiquement, on doit comprendre le problème du mal-logement. L’exiguïté d’un logement peut être à l’origine d’une perte pour l’enfant d’un équilibre mental pour travailler de bonnes conditions. » Prisque constate aussi « une souffrance chez certains parents qui redoutent le moindre appel du CPE [conseiller principal d’éducation] ». Elle prône « la nécessité des cours d’alphabétisation pour les parents d’origine étrangère confrontés à la barrière de la langue », en citant l’exemple du « carnet de correspondance » que ne peuvent comprendre ces parents. L’occasion pour Prisque de présenter l’atelier « Jeux de mots » initié par Coparenf, « qui permet aux enfants (à partir de 3 ans), accompagnés de leurs parents, d’apprendre le français de manière ludique ». Cet atelier se déroule tous les mercredis de 14 h à 17 h, dans le local de Coparenf au 11 allée des Tilleuls (Tram T1, arrêt « Hôtel de Ville de La Courneuve »).

Danielle Rudent-Gibertini (à droite sur la photo ci-dessus), conseillère déléguée à la Promotion de la vie associative, a assisté à l’intégralité de la rencontre-débat. Si elle salue l’idée de développer des cours d’Alpha, elle fait néanmoins remarquer que « certains parents d’élèves n’ont parfois même pas suivi de scolarité dans leur pays d’origine ». Elle vante ensuite les mérites de la pédagogie Freinet [pédagogie originale mise au point par Célestin Freinet, fondée sur l’expression libre des enfants, dont 3

certains professeurs des écoles s’inspirent encore aujourd’hui, NDLR] dont elle a suivi les enseignements lorsqu’elle était une jeune élève : « Je me souviens que les classes de ces écoles primaires ne comprenaient pas plus de 15 élèves ; les enfants y étaient acteurs de leur apprentissage. Et mon institutrice était très à l’écoute des enfants et des parents. » Danièle Rudent-Gibertini insiste sur « l’importance de valoriser les enfants, mais aussi les parents ».

Laurence rebondit en lançant « l’idée d’un guide scolaire multilingue destiné aux parents d’élèves d’origine étrangère, avec les définitions des nombreux sigles utilisés dans l’Éducation nationale. Il leur serait remis à chaque rentrée scolaire et leur permettrait ainsi de mieux comprendre l’école et les enseignants ». Laurence et Prisque regrettent que le problème du décrochage scolaire soit pris en compte « quand l’enfant a déjà décroché ». « Les parents ne s’ouvrent pas facilement sur les problèmes que leur enfant rencontre », constate Laurence. Plus grave, « il faut compter un an d’attente dans le 93 pour obtenir un rendez-vous avec un orthophoniste », dénonce-t-elle. « Il faut créer une approche des deux cultures, parents et professeurs, organiser des groupes de parole dans les écoles, les collèges et les lycées », insiste Prisque. Coparenf joue le rôle de médiateur en accompagnant les parents dans leurs démarches auprès de l’école, des enseignants.

[À noter : Justine Fesneau a filmé les débats. La vidéo sera bientôt mise en ligne sur le site internet de son association : parentsprofesseursensemble.org ]

À l’issue de cette table ronde, un pot de convivialité était offert aux parents d’élèves. L’occasion de poursuivre le débat… hors caméra.

Compte rendu de la table ronde avec l’association Parents Professeurs Ensemble